Ce poème original, collectif, coopératif aux touches surréalistes, nous l’avons composé en utilisant la pratique originale du cut up (copier-coller.) de la « Beat Génération ».
Voici comment nous avons procédé étape par étape :
Tout d’abord nous avons travaillé individuellement, chacun a compulsé les journaux, écrit les groupes de mots qui nous intéressaient en choisissant ceux qui résonnaient en nous. Nous les avons enrichis, nous avons placé des anaphores, puis nous avons inventé, imaginé, rangé, empilé pour créer des comparaisons, des métaphores, des personnifications, des rimes, des allitérations et des assonances.
Finalement nous avons compacté tous nos vers pour reconstruire un nouveau poème collectif que vous pouvez lire ici.
Introduction de Maloup-Mia Allen, élève de 7b3
Et au-delà…
J’ai avancé vers l’horizon,
J’ai avancé vers la bordure
J’ai avancé au rythme de ma chanson
J’ai vu cela de notre nature
Qui ressemble à la femme de mon oncle
Brune blonde ou rousse je l’ignore
Elle change de teinture chaque jour
J’ai vu cela de notre nature
A Moscou cent mille caméras comme un œil
Ce n’est pas du cinéma
Surveillent les confinés
J’ai vu cela de notre nature
Chaque jour est une alerte à la mort
Aujourd’hui Manu Dibango décède de Corona
Aujourd’hui l’art a trébuché sur le même air à la radio
Aujourd’hui il y a des collectionneurs de rouleaux de papier toilette
Aujourd’hui il y a des virus transportés par la pollution
Des virus virulents qui virevoltent
Aujourd’hui la capsule temporelle serait utile
Aujourd’hui le temps est une idée insolite
Aujourd’hui il y a un cinéma pour les animaux
Aujourd’hui il y a le saké d’exception
« Le dragon merveilleux »
La gastronomie et le terroir
Pour oublier le désespoir
Les photographes et les libraires qui dorment
Au temps quotidien qui s’accélère
Et qu’on remâche comme un rêve gâché
Aujourd’hui quel adulte perdrait son temps à rêver
Regarder plus loin que le bout de son nez
Cette génération écran qui fait pitié
Devant le tableau noir du malheur
Les adultes regardent le monde avec des yeux de nains de jardin
Ils sont là-haut, des Dieux sur l’Olympe,
La lumière trop forte aveugle leurs yeux inconscients
Pour éviter le chaos
Ils tiennent les comptes
Les pattes couronnées de griffes pointues
Avec la discrétion d’une panthère
Capable de faire disparaître le printemps
Ils ont la maîtrise des ombres pour sublimer les décors
Doux et sonores, comme une cloche, ils vous réveillent de bon matin :
« Malgré les reproches que vous nous faites merci pour votre fidélité
La raison du plus fort est toujours la meilleure
On a toujours besoin d’un plus petit que soi
C’est pratique pour cacher ses sottises
Et puis demain en Chine les cinémas rouvriront timidement
Demain Neil Young va donner des concerts en streaming pour ses fans confinés
Demain les musiciens montreront l’exemple en lançant un festival depuis chez eux
Demain dans ma salle de bain le papier toilette ne manquera pas
Demain, je dédramatise le présent
Il faut rester positif, créatif, coopératif,
Il faut être moins agressif
Paradis, deuxième étage, première porte à gauche,
Restez zens »
Et j’ai vu cela de notre nature
Sur un paysage d’autoroute
Les survivants sortir de leur cachette
Des filets de voitures, des cortèges de pylônes
Pour rêver de vacances banales
Goûter aux délices des voyages
Se jouer des prêcheurs d’apocalypse
Avec les amis passer sur les champs magiques
Comme dans Harry Potter et ses effets spéciaux
Voir les parisiens descendre les champs avec leur baguette
Pour crier le soir
Que l’équipe de France a gagné le match
Pour encourager les sportifs à la télé
Pour oublier le brexit les dettes les crises financières
Les papiers administratifs au fond du tiroir
Exit aussi les problèmes sanitaires
Pour dire que vivre c’est exister
Dans les belles petites choses
Qui font la logique de vivre
J’ai vu cela de notre nature
Des occasions pour les enfants
Sensibles à notre pauvreté
Dépositaires de la mémoire
Dépositaires du futur
Des occasions pour les enfants
De résister au désespoir
De jeter au diable cet air d’enfer
D’ajouter au quotidien la priorité d’aimer
L’air de rien
De réparer les erreurs
De prendre des risques
Changer les habitudes
Changer la perspective
Changer les conditions
Changer la vie
Changer d’ère
Et puis penser
Pour ne plus voir le monde s’effondrer
Ne plus vivre au ralenti
Pour vaincre la mort enregistrée comme des records
Pour conjurer le tableau dantesque du chaos
Pour partager la paix
La quiétude des forêts
Oui j’ai vu cela aussi de notre nature
Malgré les nuages qui couvrent nos têtes de coton noir
Malgré le brouillard qui persévère
A l’aube de l’hiver maintenu
La neige blanche
Comme une mariée arrange sa robe
Qui tombe du ciel sur les rosiers
Beaucoup de monde fantastique
Où la grue se tortille tous les soirs
Ils jouent sur un escalier monumental
Dans les grands conservatoires
Au loin des paysages avec des plaines et des landes
Des aurores automnales sur des rivières orphelines
Des rennes qui touchent presque les nuages
Là-bas où les bassins de lotus baignent les palmes
Et des verveines royales qui confondent tous les mondes
Les feuilles impatientes des arbres
Aux bruits des oiseaux retrouvés
Dans les forêts orchestrales
Déplient leurs ailes salutaires
J’ai avancé vers l’horizon,
J’ai avancé vers la bordure,
J’ai avancé au rythme de ma chanson,
Et j’ai vu cela de notre nature
La vie comme une folie
Qui se danse ensemble
Et plus tard quand je me serai échappé
J’avancerai les yeux fixés sur mes idées
Pour faire encore danser la vie
Poème collectif réalisé,
à distance,
par tous les élèves de 7b3,
du mois de mars au mois de mai 2020.